Travailler dans des lieux pas comme les autres, c’est à la mode. La demande existe et de nouveaux lieux vont prendre vie. L’américain WeWork ouvre 11 000 mètres carrés. Blue Office et Nextdoor tissent leur toile.

Le 3 avril, Philippe Rodriguez quittera son hôtel particulier du 16e arrondissement à Paris. Direction rue Lafayette dans le 10e, où le fondateur d’Avolta a décidé d’installer sa petite banque d’affaires spécialisée dans la technologie, dans un espace de « coworking », ces bureaux loués à la journée ou l’année. Avec ses onze salariés, le banquier rejoint WeWork, qui inaugurera ce jour-là son premier immeuble parisien. Situé rue Lafayette dans un magnifique bâtiment Art déco, les 12 000 mètres carrés d’espace pourront accueillir 2 300 personnes. WeWork a puisé l’inspiration dans la Silicon Valley. Canapés design, salle de sport, billard, baby-foot, bars et cafétéria à tous les étages, rafraîchissements à volonté, tout a été étudié pour choyer le « travailleur ». Sur le « rooftop » de l’immeuble face au Sacré-Cœur, ce dernier pourra se détendre avec des cours de yoga dispensés gratuitement.

Encore confidentielle en France il y a seulement cinq ans, cette nouvelle génération de bureaux innovants a le vent en poupe. « Entre 2012 et 2016, le nombre d’espaces en Île-de-France a été multiplié par trois », détaille Lydia Brissy, directrice des recherches Europe chez Savills. « En 2017, l’Hexagone comptera 500 adresses dont 50 % en région parisienne. On en prévoit plus de 2 000 sur le territoire à l’horizon 2020 », complète Clément Alteresco, fondateur de Bureaux à Partager.

Agilité et innovation

Pourquoi un tel engouement en France et dans le monde ? « La façon d’occuper son bureau évolue. Les jeunes générations ne veulent plus rester des journées entières assises au même endroit. Elles veulent travailler à différents endroits », explique Lydia Brissy. Après New York et Barcelone, Paris est la troisième ville du monde à compter le plus de lieux de coworking. Ces bureaux « se consomment » en toute liberté (location à l’heure, à la semaine, au mois) et font la part belle aux espaces collaboratifs. Ce qui bouscule les codes traditionnels de l’immobilier d’entreprise.

Avec le numérique, les salariés, équipés d’un léger PC et d’un smartphone, deviennent nomades, le travail indépendant se développe, tandis que les entreprises cherchent de la flexibilité. Ces nouveaux lieux adaptés au monde du numérique ont éclos un peu partout, ringardisant les centres d’affaires Regus, les baux rigides, résiliables tous les trois ans et les coûteux dépôts de garantie. On ne commercialise plus des mètres carrés, mais un cadre de vie et des rencontres. « Nous sommes une plate-forme de créateurs et d’entrepreneurs. Nous créons une communauté mondiale, où il y a une véritable émulation collective, comme dans la Silicon Valley. 50 % des membres font du business ensemble », vante Séverin Naudet, le patron France de WeWork.

Créé aux États-Unis par et pour des professionnels free-lance en quête d’un bureau pas cher, le coworking des débuts a bien changé. Terminée l’ère des installations artisanales, dans une surface aménagée à la va-vite dans un entrepôt au fond d’une cour. Les espaces « nouvelle génération» ont pignon sur rue avec des décorations tendance et des surfaces généreuses. Autre évolution : le profil des utilisateurs s’est élargi. « il y a toujours le noyau initial de TPE, de start-up et d’indépendants. Mais de plus en plus de salariés de grands groupes fréquentent ces lieux », observe Clément Alteresco. « Les sociétés aux modes de travail plus traditionnels, encore installées dans des bureaux classiques, manifestent un intérêt grandissant pour le coworking qu’elles perçoivent comme une façon de dépoussiérer leurs modes d’organisation. Avec, à la clé, plus d’agilité et d’innovation », précise Flore Pradère, responsable de la recherche entreprise chez JLL. Ces grands utilisateurs installent déjà « hors les murs» leurs équipes pour travailler dans un temps limité sur un projet précis. L’esprit de ces nouveaux de lieux séduit : la «cool attitude», les espaces flexibles, cosy, conviviaux et les événements informels organisés (apéritifs, débats, soirées thématiques) amènent la communauté formée des coworkers à se sentir bien, à se rencontrer et au final à être plus productifs. Depuis peu, une nouvelle tendance se développe : le coworking «in doors», soit un espace installé à demeure dans l’immeuble d’une société occupant des bureaux traditionnels. Des opérations «out doors » sont également en gestation, c’est-à-dire des sites créés ex nihilo par ces mêmes entreprises pour leurs salariés et pour d’autres actifs en quête d’un endroit confortable où se poser pour travailler.

Source : Le Monde / Le Figaro Immobilier – Mars 2017.